Issus de la seconde génération de producteurs techno à Detroit, les frères Lenny et Lawrence Burden alias Octave One ont débuté leur carrière à la toute fin des années 80. Manageurs d’un label techno de référence, 430 West, et producteurs de plus d’une centaine de titres, ils sont à l’origine du tube interplanétaire “Blackwater” en 2001. Rencontre avec ces deux pionniers, restés attachés à la Motor City.
Comment avez-vous découvert la musique électronique ? Qui étaient vos mentors ?
C’est difficile de se souvenir. On a écouté cette musique toute notre vie. Kraftwerk bien sûr, Yellow Magic Orchestra, Parliament / Funkadelic (Bernie Worrell est encore le claviériste le plus funky que je n’ai jamais entendu), ainsi que les débuts de la house à Chicago représentés par des mecs comme J.M. Silk, Marshall Jefferson, Adonis, plus la techno-pop des années 80 comme Depeche Mode, Thomas Dolby… On pourrait encore en citer pas mal.
Au début de votre carrière, pourquoi choisir des synthétiseurs plutôt que des instruments classiques ?
Gamins on a appris le piano. Individuellement on a touché aussi au saxophone, à la clarinette, en passant par le cor et la batterie. Ça nous a donné une base musicale solide. Les synthétiseurs nous ont permis de la compléter et d’aller au-delà des sons “limités” de nos instruments classiques. Tous les sons de cordes, de basses, de percussions, pouvaient sortir d’un seul clavier, et c’est ça qui était fascinant. Un homme pouvait être son propre groupe, ou son groupe pouvait devenir un orchestre, c’était le paradis. On s’était même appelé à nos tout débuts : The Octave One Orchestra.
Avez-vous été surpris de voir que la Techno marchait bien en Europe, et que des mecs comme Kevin Saunderson ou Derrick May pouvaient être considérés comme des dieux à cette époque ?
C’était tout à fait surprenant. La scène underground de Detroit a toujours beaucoup estimé ses pionniers techno, mais on n’a jamais vraiment compris l’impact que cela a pu avoir sur le monde. Quand on a sorti nos premiers morceaux en 1989, on n’imaginait pas que ce que nous faisions allait faire partie d’une quelconque révolution musicale.
Comment expliquer l’effervescence artistique qui émane de Détroit ?
C’est une question qu’on nous pose régulièrement. Et, pour être honnête, il n’y a aucune réponse simple. D’une façon ou d’une autre, l’univers musical s’est heurté à Detroit. C’est peut-être dû à cette migration de personnes venues ici pour bosser à la chaîne. Beaucoup étaient des musiciens de jazz et de blues qui travaillaient le jour à l’usine et jouaient dans les clubs la nuit.
Comment avez-vous vécu les mutations techno durant les quinze dernières années ?
Les différentes évolutions musicales et les expérimentations sont toujours intéressantes. Notre son est le résultat de cette mutation des premières expériences techno à Detroit.
Vous vous attendiez au succès de “Blackwater” ?
Depuis toutes ces années où nous faisons de la musique, on peut dire au moins une chose sans se tromper : c’est qu’il n’y a rien qui puisse prédire le succès. Dix personnes pourront aimer ce que tu produis de mieux et un million préfèrera ce que tu produis de pire. Tu dois seulement essayer de produire la meilleure musique et espérer que quelqu’un l’entende.
Votre dernier album Theory of Everything n’est pas vraiment classic techno. Vous avez fait le tour de cette musique ?
Nous avons toujours exploré les faces d’autres styles musicaux. Déjà le troisième maxi que l’on a sorti sur 430 West en 1990, sous le nom de Metro D, était hip-hop et techno. Nous ne nous sommes jamais donné de limites musicalement parlant. On veut juste faire ce que l’on ressent.
Qu’est ce que vous aimez quand vous vous produisez en live ?
La capacité d’avoir une réaction directe du public à nos morceaux. Entendre crier les gens quand tu lâches une ligne de basse ou un beat. C’est un sentiment incroyable, il n’existe rien de comparable. L’interaction musicale et faire bouger les masses avec des rythmes sont vraiment les raisons d’être de cette musique.
Quels sont vos projets ?
Nous sommes en train de produire des albums solos pour Ann Saunderson et MC P. Gruv, les vocalistes de l’album Theory of Everything. On aura aussi un nouvel album d’Octave One / Random Generation prêt pour cette année. On attend également avec impatience de jouer au Batofar et de voir tous nos amis à Paris. It should be great fun !
Initialement publié dans le Batofar magazine.